Tchad - La loi antitabac peine à être appliquée

La sensibilisation sur les effets néfastes de la cigarette en elle seule ne suffit pas. L'Assemblée nationale doit nous aider à avoir des textes d'application de cette loi.

Donbé Mathieu, point focal anti-tabac au ministère de la Santé publique

La loi anti-tabac tchadienne du 10 juin 2010 s'est fixé trois objectifs: réglementer la consommation des cigarettes et autres produits du tabac, ainsi que toutes autres matières y afférentes; déterminer l'étendue de l'interdiction de fumer dans les lieux publics ou recevant du public afin de protéger les populations tchadiennes, en particulier les jeunes, contre les effets nocifs liés à l'usage du tabac; et sensibiliser la population sur les dangers de l'usage du tabac et l'exposition à la fumée du tabac.

« La consommation du tabac est interdite à toute femme enceinte et à tout enfant mineur », dispose l'article 3 de la loi antitabac.

Le texte a beau interdire de vendre ou d'offrir gratuitement aux mineurs des produits du tabac dans les commerces généraux ou spécifiques et dans tous les lieux publics, ceux-ci s'en procurent facilement. Pire, certains mineurs déshérités vendent des cigarettes pendant les vacances pour subvenir à leurs besoins.

« J'ai fumé ma première cigarette à quinze ans après avoir suivi un film dans lequel l'acteur avait toujours une cigarette aux lèvres. Je voulais un peu lui ressembler, car il était très fort », se souvient Adoum Moustapha, la trentaine entamée. Comme lui, beaucoup de jeunes qui fréquentent régulièrement les ciné- clubs et les débits de boissons, fument de plus en plus.

La loi interdit également la vente du tabac dans un rayon de 300 (trois cents) mètres autour des établissements d'enseignement et de formation professionnelle, publics ou privés et des formations sanitaires, ainsi que l'installation des points de vente du tabac au sein des établissements d'enseignement et de soins, des infrastructures sportives, des administrations publiques, parapubliques et privés.

« Ces points de ventes doivent être signalés par des panneaux mentionnant de façon nettement visible les dangers de la consommation du tabac », ajoute le texte précité.

Dans la réalité, on peut trouver une cigarette dans l'échoppe d'à côté, à l'angle du bureau ou de l'école. Et les paquets et cartouches et toutes formes de conditionnement extérieur des produits du tabac fabriqués, importés et vendus ne comportent aucune mise en garde sanitaire couvrant au minimum 50% de la surface recto et verso, comme l'exige la loi.

Ainsi, au Tchad, le tabac fait toujours l'objet d'une publicité non dissimulée. L'on trouve souvent sur certaines villes de province et aux abords des routes nationales, des panneaux publicitaires et des kiosques qui vantent les différentes marques de cigarettes.

Après une période moratoire d'un an passé, la loi contre le tabac devait entrer en vigueur dès juin 2011. Mais les textes réglementaires d'application de la loi ne sont pas toujours promulgués.

En attendant la promulgation de ces textes d'application, un décret présidentiel du 10 juin 1994 instituant une surtaxe temporaire sur divers produits importés et un arrêté interministériel du 26 décembre 2000 portant mentions sanitaires obligatoires restent en vigueur, sans produire toujours les effets attendus.

Dans le souci de rendre la loi effective, l'Association pour la défense des droits de consommateurs (ADC) plaide régulièrement à l'Assemblée nationale pour que les mesures prises soient renforcées par d'autres textes supplémentaires.

Mais « la sensibilisation sur les effets néfastes de la cigarette en elle seule ne suffit pas. L'Assemblée nationale doit nous aider à avoir des textes d'application de cette loi », déclare Donbé Mathieu, point focal anti-tabac au ministère de la Santé publique.

Daouda Elhadj Adam,
expert en santé publique

Selon Daouda Elhadj Adam, à l'état actuel des choses, il est difficile de poursuivre les auteurs des contraventions liées à la fumée du tabac. « Si le gouvernement parvient à prendre des mesures contraignantes à l'égard des fumeurs, le nombre de ces derniers diminuera et les industries de manufactures de cigarettes vont se fermer d'elles-mêmes », a-t-il réaffirmé vendredi à l'occasion de la journée mondiale sans tabac.

L'ancien premier vice-président de l'Assemblée nationale Idriss Ndélé Yayami, décédé il y a deux semaines dans un accident de circulation, réclamait également plus d'actions dissuasives et la possibilité aux maires de fixer les taxes sur le tabac. « Pour produire l'effet dissuasif sur les fumeurs, il faut augmenter la taxe sur le tabac à au moins 60% », plaidait-il.

En dépit des sensibilisations faites depuis 2011, les efforts de l'ADC semblent toujours vains. Le nombre des fumeurs augmente et les espaces non fumeurs n'existent pas en dehors des bureaux des Nations Unies et autres institutions internationales. Dans les bus et autres transports en commun, les chauffeurs intoxiquent allègrement leurs passagers et ce malgré la sensibilisation faite par l'ADC auprès de ces derniers.

Cette situation qui perdure se justifie, selon le point focal anti-tabac, par le manque d'un corps de contrôle approprié. « Les militaires surtout ne veulent même entendre parler de cette loi », conclut Donbé Mathieu.

Un décret, pris en Conseil des ministres, devrait créer le corps des agents de la police sanitaire. Mais comme tous les textes afférents à la loi antitabac, il tarde à venir.


Crée le 1er juin 2013 01h00 | Afrique Rédaction | Rédacteur en chef : Roger Bongos | Site panafricain |Actualité nationale, africaine et internationale. Mis à jour le samedi 1er juin 2013 à 01h40 par ARTV NEWS.

Source: AFRIQUE RÉDACTION

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