Tchad - La stratégie de reconversion des anciens tabaculteurs proposée par Imperial Tobacco est un leurre

Pour séduire les autorités, l'industrie se présente comme l'allié des anciens tabaculteurs et du monde rural, en exploitant de façon fort opportuniste le thème de campagne du président de la République.

N'Djamena, le 13 avril 2013 - La lutte antitabac est une préoccupation majeure des autorités sanitaires au Tchad. L'industrie du tabac tente par tous les moyens de saper les efforts de protection de la santé publique décidés par les autorités. Un des enjeux majeurs  de cette protection de la population, et en particulier des jeunes, est la taxation des produits du tabac. Selon les prescriptions internationales, et notamment les obligations légales découlant de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), ratifiée par le Tchad en 2005, la taxation fixée à un niveau suffisamment élevé pour être dissuasive constitue l'une des mesures les plus efficaces de lutte contre le fléau du tabagisme.

Au Tchad, l'industrie du tabac a réussi depuis de très nombreuses années à bloquer toute augmentation des taxes sur les cigarettes, maintenant ces taxes à un niveau dérisoire (l'eau minérale est plus fortement taxée - droit d’accise de 25%, contre 10% pour le tabac), ce qui leur permet de se ménager des marges de profit considérables.  

Prétendant être des investisseurs travaillant pour le bien du pays - alors qu'en réalité ce sont rien d’autre que des prédateurs - les industriels du tabac ont obtenu du gouvernement tchadien qu’il leur soit attribué des avantages fiscaux et financiers leur permettant de vendre leur produit à bas prix, qui n’ont pas augmenté depuis plus de dix ans, sans même tenir compte du taux d’inflation. S'il pouvait être légalement toléré au début des années 2000, ce privilège accordé aux compagnies de tabac est maintenant en flagrante contradiction avec la CCLAT (en particulier l’article 6, l’article 5.3 et les directives le concernant).

Pour séduire les autorités, l'industrie se présente comme l'allié des anciens tabaculteurs et du monde rural, en exploitant de façon fort opportuniste le thème de campagne du président de la République. Imperial Tobacco a lancé une opération de charme en instrumentalisant la nécessité à laquelle les anciens tabaculteurs ont été confrontés de reconvertir leur activité vers une culture de remplacement.

Dans une vaste campagne médiatique (voir encadré ci-contre), Imperial Tobacco clame vouloir aider ces anciens tabaculteurs à se lancer dans la culture d'arachide. Le caractère hypocrite d'une telle démarche crève les yeux lorsque l'on sait que l'industrie du tabac s'oppose systématiquement et radicalement aux pays ayant ratifié la CCLAT lorsque ceux-ci veulent mettre en œuvre l'article 17 de la Convention-cadre dont le but est, justement, d'aider les tabaculteurs à se reconvertir en facilitant la fourniture d'un appui à des activités de remplacement économiquement viables.

La démarche d'Imperial Tobacco n'est donc clairement qu'une mesure visant à faire diversion, pour occulter l'énorme gâchis sanitaire, économique, social et environnemental crée par son produit au Tchad et en Afrique, en misant sur le fait que les autorités tchadiennes seront dupes de cette opération de dédouanement moral.

Nous attirons l'attention desdites autorités sur le piège que leur tend l'industrie et leur rappelons l'article 5.3 de la CCLAT, qui les oblige à protéger leur politique en matière de lutte antitabac contre l'influence de l'industrie du tabac. Les Directives pour l'application de cet article précisent, dans leur Principe 4:

Parce que ses produits sont mortels, l’industrie du tabac ne devrait pas recevoir d’incitations pour mettre en place ou poursuivre ses activités. Tout traitement préférentiel de l’industrie du tabac serait en contradiction avec l’action de lutte antitabac.

 

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