L'image de la cigarette a changé, et les habitudes à la maison aussi.
Cela ne fait aucun doute : le tabagisme est l'un des plus grands fléaux que le monde ait connu. Personne, que ce soit de façon directe ou indirecte, n’en est épargné. En effet, presque chaque famille de la population de la planète paie le prix fort du tabagisme, car au moins l’un de ses membres en est une victime.
Au Cameroun, comme partout ailleurs, le tabac fait des ravages. Mais la mondialisation de l’industrie du tabac, l’absence de législation antitabac et une population mal renseignée contribuent à un problème de santé aigu qui ne cesse de s’aggraver. Actuellement, 17,5% de la population fume. Tandis que 37% de la population est exposée au tabagisme passif et par conséquent aux mêmes risques sanitaires que les fumeurs.
Fort de cette situation dévastatrice, la société civile camerounaise, via la Coalition Camerounaise Contre le Tabac (C3T), s’est mobilisée afin de réduire les dégâts du tabac dans la société.
Pour ce faire, de nombreuses campagnes de sensibilisation ont été organisées à travers le pays, avec pour objectif de parler aux populations des méfaits du tabac sur la santé, sur l'économie et sur l’environnement.
En sept ans, quels sont les réels effets des actions de sensibilisations de la C3T ? Qu'est-ce qui a changé ?
Le plus gros impact des actions de la C3T est sans doute l’impact symbolique qui produit des effets sur le long terme. Présenter les visages nocifs de la cigarette ainsi que ses conséquences dans la vie du fumeur et du non fumeur, a ainsi permis à nombre de Camerounais de percevoir la cigarette comme un « poison ».
Cette perception du tabac a d’ailleurs modifié les habitudes des Camerounais. En effet certains lieux de convivialité, comme les restaurants, bars et les transports en commun, la cigarette a été déclarée persona non grata. Une situation qui a ainsi permis d’atténuer l’image de la cigarette, auparavant associée à la fête et autre événements sociaux. Bref le produit est en voie de dénormalisation.
Conséquence de cette évolution de l’image de la cigarette : il est désormais plus facile pour les non-fumeurs de faire accepter certaines règles aux fumeurs, y compris lorsqu’ils vivent sous le même toit. Dans les maisons par exemple, les cendriers se font de plus en plus rares, tandis que les fumeurs voient réduire leurs possibilités de prendre ce poison à l’intérieur des domiciles. « Il reste toutefois encore du chemin à faire » avancent plusieurs personnes rencontrées dans les artères de la ville de Yaoundé. « Même, si les gens semblent comprendre, rien ne peut empêcher un fumeur de prendre une clope en votre présence. Ceci, même si vous êtes asthmatique », explique Robert Ntsama, étudiant à l’École Normale Supérieure de Yaoundé.
Pour les observateurs, cela pose le problème de la nécessité de l’adoption d’une loi antitabac.
Les différentes campagnes de plaidoyers de la C3T auprès des personnalités influentes en vue de l’adoption d’une loi antitabac au Cameroun, ainsi que les sensibilisations faites sur les méfaits du tabac, ont convaincu certaines entreprises à intégrer la lutte antitabac dans leurs politiques de responsabilités sociales. Ainsi nombre d’entre elles sont des espaces sans fumée, d’autres disposent d’espaces pour les deux catégories de personnels. Dans les véhicules et autres les autocollants publicitaires des entreprises arborent fièrement un message de lutte antitabac.
Selon l’observation générale, on remarque une nette baisse de la pollution des espaces par les particules fines liées au tabac. La désagréable odeur de tabac froid se raréfie dans les grandes surfaces. Et les inscriptions « Interdit de fumer » posées ça et là brisent le zèle de certains fumeurs.
Conscient des limites de la sensibilisation, la C3T a entrepris des campagnes de plaidoyer en vue de l’adoption d’une loi nationale antitabac auprès des décideurs et des leaders d’opinion. Ces campagnes de plaidoyer ont conduit le ministère de la Santé publique camerounais à rédiger, avec le concourt la société civile, un draft d'avant projet de loi antitabac. Le dit draft qui circule dans les couloirs de la Présidence est sous l’action du ministère de la Santé publique et de la société civile en attente d’une éventuelle adoption.
Le tabac tue, l’État camerounais le sait et l’action et l’engagement de la C3T dans la lutte anti tabac l’a confirmé. C’est donc dans ce sens que le gouvernement camerounais, bien qu’il tarde à adopter la loi nationale antitabac, a pris nombre de mesures juridiques pour endiguer le phénomène.
Ces textes pour le moment bien fournis et élaborés, sont cependant peu vulgarisés. Des interventions spécifiques portant sur la communication, l’éducation et la sensibilisation du public ont été entreprises, surtout en direction des jeunes et des femmes afin d’accompagner l’appropriation des actes pris par les autorités camerounaises pour faire face au tabagisme.
Bien que des actions soit menées par l’État pour limiter les dégâts du tabac dans la société camerounaise, la société civile et quelques observateurs avisés déplorent une affaiblissement de la volonté politique en matière de lutte antitabac. Ce fléchissement du gouvernement vis-à-vis du contrôle de la première cause de mortalité évitable s’explique par le fait que l’industrie du tabac infiltre les plus hautes sphères du gouvernement et des institutions nationales et sous-régionales. En effet, depuis 2012, aucune action n’a réellement été menée dans le sens de la lutte antitabac. Il est certes vrai que les mentalités ont évolué sur la question du tabac. Mais cela relève plus de l’action de la société civile que de l’État. La plupart des actions posées en ce moment sur la question du tabac se réduisent à la promotion de la culture tabac. Ceci à travers des subventions allouées aux tabaculteurs par le ministère de l’Agriculture et du développement rural.
L’observation de la situation du tabagisme au Cameroun montre à suffisance que l’action de la société civile sous l’impulsion de la C3T à permis de faire connaître au grand public les méfaits du tabac et la nécessité de s’en préserver. Cependant, il convient de dire que la présence du tabac dans la culture camerounaise et le fort enracinement de l’IDT dans les sphères les plus hautes, montrent que du chemin à certes été fait, mais nombre de kilomètres restent à parcourir avant l’arrivée.
C’est fort de cette raison que la C3T appelle les Camerounais à s’unir pour la construction d’un Cameroun sans tabac.
OTAF/ms/09.07.2014